HD Joven: Attentats à Paris. Politique, équilibre et opportunité
Para leer el artículo en español, pinche aquí: HD Joven – Atentados en París. Política, equilibrio y oportunidad
Il y a des évènements qui changent la vie d’une nation. Des évènements qui marquent toute une génération, qui seront encore commémorés dans plusieurs siècles et qui appartiennent à jamais au patrimoine commun de l’histoire. Des évènements qui font dire à des milliers de jeunes : « Mon pays n’est plus celui de mon enfance ».
Assurément, les attentats de Paris du 13 novembre 2015 font partie de ces évènements-là. Pour leur côté tragique, eux qui ont causé tant de morts et de blessés. Pour leur côté inédit, car la France n’avait jamais subi d’attaques terroristes d’une telle ampleur auparavant. Pour leur côté symbolique, car les attaques ont visé les lieux les plus festifs de Paris, ces lieux dans lesquels le cœur de Paris bat le plus fort. « Paris est une fête », écrivait Ernest Hemingway. Les terroristes l’ont bien compris, et les Parisiens l’ont appris à leurs dépens.
Les attentats de Paris du 13 novembre 2015 entrent aussi dans l’histoire pour leurs conséquences politiques, actuelles ou futures, perceptibles ou imperceptibles. Dans une époque où la réaction tient lieu d’action, où la surmédiatisation impose une prise de décision immédiate, le temps de deuil et du recueillement laisse vite place à celui de la politique.
Politique nationale, d’abord. Dès vendredi soir, le gouvernement déclare l’état d’urgence sur tout le territoire national, pour la première fois depuis 1962. En pratique, cela signifie que les perquisitions sont facilitées, les contrôles aux frontières renforcés. Un projet de loi, actuellement en discussion au Parlement, vise à permettre à la police d’imposer à des personnes de rester à leur domicile pendant un créneau horaire fixé.
Cette déclaration d’état d’urgence, aujourd’hui prolongé de trois mois et étendu à l’outre-mer, fait l’unanimité, dans la société et les médias. S’il est encore trop tôt pour juger de son efficacité, elle permet de gouvernement de montrer sa réaction immédiate face aux attentats, et elle constitue, à tort ou à raison, le symbole d’une action politique qui, au lieu d’anticiper les évènements, court après eux.
Le Président de la République a également proposé une réforme de la Constitution de 1958. L’objectif est de donner plus de pouvoirs à l’Etat dans sa lutte contre le terrorisme. Pourtant, les lois françaises prévoient déjà des moyens de prévenir et combattre le terrorisme. La justice dispose d’un arsenal juridique suffisant, et la police peut intervenir efficacement, à condition d’appliquer les mesures répressives votées par le Parlement et de ne pas faire le choix de réduire les effectifs.
Politique internationale, ensuite. La France décide d’intensifier ses frappes contre l’Etat islamique, et se résout à mettre en place une coopération militaire avec la Russie. Les bombardements français font les unes des journaux, mais, non accompagnés d’une intervention militaire au sol, leur efficacité est limitée.
Tout a été dit sur la nécessité ou le danger d’une intervention armée en Syrie et en Irak, et nul ne peut prétendre détenir la vérité ou la solution idéale. La France tente de préserver un équilibre, à mi-chemin entre une action directe et frontale telle que celle menée par les Etats-Unis en Irak en 2003 d’une part, considérée par tous comme un échec, et une abstention totale d’autre part, potentiellement perçue comme criminelle.
Mais aucune de ces décisions n’est surprenante. Prises ensemble, elles renforcent le sentiment d’une action politique prévisible, attentiste, handicapée par une incapacité à dépasser les évènements. Les terroristes eux-mêmes le savent : gouverner, ce n’est plus prévoir, gouverner, c’est réagir, et en premier lieu dans les médias.
Au-delà des ministères, le peuple lui-même est soumis à réaction. La solidarité, la fraternité et l’unité nationale, affichées dès le lendemain des attentats, à Paris, en France et dans le monde, sont le signe d’une prise de conscience de la fragilité de notre mode de vie, mais aussi de la chance de pouvoir le posséder.
Ces attentats déclenchent un sentiment de peur, qui va au-delà de la peur primaire, celle qui s’exprime face au simple danger et à l’insécurité. Ils suscitent l’angoisse de voir notre mode de vie et notre art de vivre perpétuellement menacés. L’angoisse d’un choc des civilisations qui ne dit pas son nom et qui a peut-être déjà commencé depuis longtemps. Lorsque de telles attaques surviennent, il est facile, presque instinctif, de penser que la démocratie ne protège plus et que ses valeurs n’ont d’universel que leur nom. Il est difficile et douloureux de réaliser qu’ailleurs sur la planète, un autre système de valeurs existe, accompagné d’autres modèles et d’autres idéaux.
Plus qu’un moment de drame, le vendredi 13 novembre est un moment de questionnement, sur les causes et les origines de la barbarie, qui ne disparaitra jamais et peut frapper partout. Lorsqu’une partie d’une jeunesse, si infime soit-elle, fait le choix de rejoindre le camp de l’Etat islamique et de tuer, il faut s’interroger sur les faillites d’une organisation sociale qui ne permet plus de protéger de soi-même.
Face à l’Etat islamique, face à la volonté de remplacer un système de valeurs par un autre, résister doit prendre des formes nouvelles. Dans un système qui peine à identifier ses propres responsabilités, l’éducation et la culture doivent être au service d’un but social commun, celui de tenir éloigné des dérives et des idéologies mortifères. Le temps dira si un tel but est un jour atteint.
Licenciado en Derecho por la Université Panthéon Assas (Paris II). Master of Laws por la University of California, Hastings College of the Law. Actualmente, es abogado en King & Wood Mallesons en París (Francia)